mercredi 23 mai 2012

1er chapitre (2/4)



A cette époque-là, il n'habitait vraiment nulle part. Il dormait dans des cachettes, du côté de la plage, ou même plus loin, dans les rochers blancs à la sortie de la ville. C'étaient de bonnes cachettes où personne n'aurait pu le trouver. Les policiers et les gens de l'Assistance n'aiment pas que les enfants vivent comme cela, en liberté, mangeant n'importe quoi et dormant n'importe où. Mais Mondo était malin, il savait quand on le cherchait et il ne se montrait pas.
Quand il n'y avait pas de danger, il se promenait toute la journée dans la ville, en regardant ce qui se passait. Il aimait bien se promener sans but, tourner au coin d'une rue, puis d'une autre, prendre un raccourci, s'arrêter un peu dans un jardin, repartir.
Quand il voyait quelqu'un qui lui plaisait, il allait vers lui, et il lui disait tranquillement :
« Bonjour. Est-ce que vous ne voulez pas m'adopter? »
II y avait des gens qui auraient bien voulu, parce que Mondo avait l'air gentil, avec sa tête ronde et ses yeux brillants. Mais c'était difficile. Les gens ne pouvaient pas l'adopter comme cela, tout de suite. Ils commençaient à lui poser des questions, son âge, son nom, son adresse, où étaient ses parents, et Mondo n'aimait pas beaucoup ces questions-là.
Il répondait : « Je ne sais pas, je ne sais pas. » Et il s'en allait en courant.
Mondo avait trouvé beaucoup d'amis, rien qu'en marchant dans les rues. Mais il ne parlait pas à tout le monde. Ce n'étaient pas des amis pour parler, ou pour jouer. C'étaient des amis pour saluer au passage, très vite, avec un clin d'oeil, ou pour faire un signe de la main, au loin, de l'autre côté de la rue. C'étaient des amis aussi pour manger, comme la dame boulangère qui lui donnait tous les jours un morceau de pain. Elle avait un vieux visage rose, très régulier et très lisse comme une statue italienne. Elle était toujours habillée de noir et ses cheveux blancs tressés étaient coiffés en chignon. Elle avait d'ailleurs un nom italien, elle s'appelait Ida, et Mondo aimait bien entrer dans son magasin. Quelquefois il travaillait pour elle, il allait porter du pain chez les commerçants du voisinage.
Quand il revenait, elle coupait une grosse tranche dans un pain rond et elle la lui tendait, enveloppée dans du papier transparent. Mondo ne lui avait jamais demandé de l'adopter, peut-être parce qu'il l'aimait vraiment bien et que ça l'intimidait.
Mondo marchait lentement vers la mer en mangeant le morceau de pain. Il le cassait par petits bouts, pour le faire durer, et il marchait et mangeait sans se presser. Il paraît qu'il vivait surtout de pain, à cette époque-là. Tout de même il gardait quelques miettes pour donner à des amies mouettes.
Il y avait beaucoup de rues, des places, un jardin public, avant de sentir l'odeur de la mer. D'un coup, elle arrivait dans le vent, avec le bruit monotone des vagues.
A l'extrémité du jardin, il y avait un kiosque à journaux. Mondo s'arrêtait et choisissait un illustré. Il hésitait entre plusieurs histoires d'Akim, et finalement il achetait une histoire de Kit Carson. Mondo choisissait Kit Carson à cause du dessin qui le représentait vêtu de sa fameuse veste à lanières. Puis il cherchait un banc pour lire l'illustré. Ce n'était pas facile, parce qu'il fallait que sur le banc il y ait quelqu'un qui puisse lire les paroles de l'histoire de Kit Carson. Juste avant midi, c'était la bonne heure, parce qu'à ce moment-là il y avait toujours plus ou moins des retraités des Postes qui fumaient leur cigarette en s'ennuyant. Quand Mondo en avait trouvé un, il s'asseyait à côté de lui sur le banc, et il regardait les images en écoutant l'histoire.
Un Indien debout les bras croisés devant Kit Carson disait :
« Dix lunes ont passé et mon peuple est à bout. Qu'on déterre la hache des Anciens ! » Kit Carson levait la main.
« N'écoute pas ta colère, Cheval Fou. Bientôt on te rendra justice. »
« C'est trop tard », disait Cheval Fou. « Vois ! » Il montrait les guerriers massés au bas de la colline.
« Mon peuple a trop attendu. La guerre va commencer, et vous mourrez, et toi aussi tu mourras, Kit Carson! »
Les guerriers obéissaient à l'ordre de Cheval Fou, mais Kit Carson les renversait d'un coup de poing et s'échappait sur son cheval. Il se retournait encore et il criait à Cheval Fou :
« Je reviendrai, et on te rendra justice ! »
Quand Mondo avait entendu l'histoire de Kit Carson, il reprenait l'illustré et il remerciait le retraité.
« Au revoir ! » disait le retraité.
« Au revoir ! » disait Mondo.


Questionnaire:
Dans ce passage, Mondo établit contact avec deux personnes. Dites comment et pourquoi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire