C'est un de ces après-midi-là qu'il avait fait la connaissance de Giordan le Pêcheur. Mondo avait entendu à travers le ciment le bruit de pas de quelqu'un qui marchait sur les brise-lames. Il s'était redressé, prêt à aller se cacher, mais il avait vu cet homme d'une cinquantaine d'années qui portait une longue gaule sur son épaule, et il n'avait pas eu peur de lui. L'homme était venu jusqu'à la dalle voisine et il avait fait un petit signe amical avec la main.
« Qu'est-ce que tu fais là ?»
Il s'était installé sur le brise-lames, et il avait sorti de son sac de toile cirée toutes sortes de fils et d'hameçons.
Quand il avait commencé à pêcher, Mondo était venu à côté de lui, sur le brise-lames, et il avait regardé le pêcheur préparer les hameçons. Le pêcheur lui montrait comment on appâte, puis comment on lance, lentement d'abord, et de plus en plus fort à mesure que la ligne se dévide. Il avait prêté sa gaule à Mondo, pour qu'il apprenne à tourner le moulinet d'un geste continu, en balançant un peu la gaule de gauche à droite.
Mondo aimait bien Giordan le Pêcheur, parce qu'il ne lui avait jamais rien demandé. Il avait un visage rougi par le soleil, marqué de rides profondes, et deux petits yeux d'un vert intense qui surprenaient.
Il pêchait longtemps sur le brise-lames, jusqu'à ce que le soleil soit tout près de l'horizon. Giordan ne parlait pas beaucoup, sans doute pour ne pas faire peur aux poissons, mais il riait chaque fois qu'il ramenait une prise. Il décrochait la mâchoire du poisson avec des gestes nets et précis, et il mettait sa capture dans le sac en toile cirée. De temps en temps, Mondo allait
chercher pour lui des crabes gris pour appâter sa ligne. Il descendait au pied des brise-lames, et il guettait entre les touffes d'algues. Quand la vague se retirait,les petits crabes gris sortaient, et Mondo les attrapait à la main. Giordan le Pêcheur les brisait sur la dalle de ciment et les découpait avec un petit canif rouillé.
Un jour, pas très loin en mer, ils avaient vu un grand cargo noir qui glissait sans bruit.
« Comment s'appelle-t-il ? * demandait Mondo.
Giordan le Pêcheur mettait sa main en visière et plissait ses yeux.
« Erythrea », disait-il ; puis il s'étonnait un peu :
« Tu n'as pas de bons yeux. »
« Ce n'est pas cela », disait Mondo. « Je ne sais pas lire. »
« Ah bon ? » disait Giordan.
Ils regardaient longuement le cargo qui passait.
« Qu'est-ce que ça veut dire, le nom du bateau ? » demandait Mondo.
« Erythrea? C'est un nom de pays, sur la côte d'Afrique, sur la mer Rouge. »
« C'est un joli nom », disait Mondo. « Ça doit être un beau pays. »
Mondo réfléchissait un instant.
« Et la mer là-bas s'appelle la mer Rouge ? »
Giordan le Pêcheur riait :
« Tu crois que là-bas la mer est vraiment rouge ? »
« Je ne sais pas », disait Mondo.
« Quand le soleil se couche, la mer devient rouge, c'est vrai. Mais elle s'appelle comme ça à cause des hommes qui vivaient là autrefois. »
Mondo regardait le cargo qui s'éloignait.
« II va sûrement là-bas, vers l'Afrique. »
« C'est loin », disait Giordan le Pêcheur. « II fait très chaud là-bas, il y a beaucoup de soleil et la côte est comme le désert. »
« II y a des palmiers ? »
« Oui, et des plages de sable très longues. Dans la journée, la mer est très bleue, il y a beaucoup de petits bateaux de pêche avec des voiles en forme d'aile, ils naviguent le long de la côte, de village en village. »
« Alors on peut rester assis sur la plage et regarder passer les bateaux ? On reste assis à l'ombre, et on se raconte des histoires en regardant les bateaux sur la mer? »
« Les hommmes travaillent, ils réparent les filets et ils clouent des plaques de zinc sur la coque des bateaux échoués dans le sable. Les enfants vont chercher des brindilles sèches et ils allument des feux sur la plage pour faire chauffer la poix qui sert à colmater les fissures des bateaux. »
Giordan le Pêcheur ne regardait plus sa ligne maintenant. Il regardait au loin, vers l'horizon, comme s'il cherchait à voir vraiment tout cela.
« II y a des requins dans la mer Rouge ? »
« Oui, il y en a toujours un ou deux qui suivent les bateaux, mais les gens sont habitués, ils n'y font pas attention. »
« Ils ne sont pas méchants ? »
« Les requins sont comme les renards, tu sais. Ils sont toujours à la recherche des ordures qui tombent à l'eau, de quelque chose à chaparder. Mais ils ne sont pas méchants. »
« Ça doit être grand, la mer Rouge », disait Mondo.
« Oui, c'est très grand... Il y a beaucoup de villes sur les côtes, des ports qui ont de drôles de noms... Ballul, Barasali, Debba... Massawa, c'est une grande ville toute blanche. Les bateaux vont loin le long de la côte, ils naviguent pendant des jours et des nuits, ils naviguent vers le nord, jusqu'à Ras Kasar, ou bien ils vont vers les îles, à Dahlak Kebir, dans l'archipel des Nora, quelquefois même jusqu'aux îles Farasan, de l'autre côté de la mer. »
Mondo aimait beaucoup les îles.
« Oh oui, il y a beaucoup d'îles, des îles avec des rochers rouges et des plages de sable, et sur les îles il y a des palmiers ! »
« A la saison des pluies, il y a des tempêtes, le vent souffle si fort qu'il déracine les palmiers et qu'il enlève le toit des maisons. »
« Les bateaux font naufrage ? »
« Non, les gens restent chez eux, à l'abri, personne ne sort en mer. »
« Mais ça ne dure pas longtemps. »
« Sur une petite île, il y a un pêcheur avec toute sa famille. Ils vivent dans une maison en feuilles de palmier, au bord de la plage. Le fils aîné du pêcheur est déjà grand, il doit avoir ton âge. Il va sur le bateau avec son père, et il jette les filets dans la mer. Quand il les retire, ils sont remplis de poissons. Il aime beaucoup partir avec son père sur le bateau, il est fort et il sait déjà bien manoeuvrer la voile pour prendre le vent.
Quand il fait beau et que la mer est calme, le pêcheur emmène toute sa famille, ils vont voir des parents et des amis dans les îles voisines, et ils reviennent le soir. »
« Le bateau avance tout seul, sans faire de bruit, et la mer Rouge est toute rouge parce que c'est le coucher de soleil. »
Pendant qu'ils parlaient, le cargo Erythrea avait fait un grand virage sur la mer. Le bateau-pilote revenait en tanguant sur le sillage, et le cargo donnait juste un coup de sirène bref pour dire au revoir.
« Quand est-ce que vous irez là-bas, vous aussi ? » demandait Mondo.
« En Afrique, sur la mer Rouge ? » Giordan le Pêcheur riait. « Je ne peux pas aller là-bas, je dois rester ici, sur la digue. »
« Pourquoi ? »
Il cherchait une réponse.
« Parce que... Parce que moi, je suis un marin qui n'a pas de bateau. »
Puis il recommençait à regarder sa gaule. Quand le soleil était tout près de l'horizon, Giordan le Pêcheur posait la gaule à plat sur la dalle de ciment, et il sortait de la poche de sa veste un sandwich. Il en donnait la moitié à Mondo et ils mangeaient ensemble en regardant les reflets du soleil sur la mer.
Mondo s'en allait avant la nuit, pour chercher unecachette où dormir.
« Au revoir ! » disait Mondo.
« Au revoir ! » disait Giordan. Quand Mondo était un peu éloigné, il lui criait :
« Reviens me voir! Je t'apprendrai à lire. Ce n'est pas difficile. »
Il restait à pêcher jusqu'à ce qu'il fasse tout à fait nuit et que le phare commence à envoyer ses signaux réguliers, toutes les quatre secondes.
Questionnaire:
Comment s'appelle le personnage qui est ami de Mondo?
Pourquoi, selon vous, Mondo l'aime-t-il?
« Qu'est-ce que tu fais là ?»
Il s'était installé sur le brise-lames, et il avait sorti de son sac de toile cirée toutes sortes de fils et d'hameçons.
Quand il avait commencé à pêcher, Mondo était venu à côté de lui, sur le brise-lames, et il avait regardé le pêcheur préparer les hameçons. Le pêcheur lui montrait comment on appâte, puis comment on lance, lentement d'abord, et de plus en plus fort à mesure que la ligne se dévide. Il avait prêté sa gaule à Mondo, pour qu'il apprenne à tourner le moulinet d'un geste continu, en balançant un peu la gaule de gauche à droite.
Mondo aimait bien Giordan le Pêcheur, parce qu'il ne lui avait jamais rien demandé. Il avait un visage rougi par le soleil, marqué de rides profondes, et deux petits yeux d'un vert intense qui surprenaient.
Il pêchait longtemps sur le brise-lames, jusqu'à ce que le soleil soit tout près de l'horizon. Giordan ne parlait pas beaucoup, sans doute pour ne pas faire peur aux poissons, mais il riait chaque fois qu'il ramenait une prise. Il décrochait la mâchoire du poisson avec des gestes nets et précis, et il mettait sa capture dans le sac en toile cirée. De temps en temps, Mondo allait
chercher pour lui des crabes gris pour appâter sa ligne. Il descendait au pied des brise-lames, et il guettait entre les touffes d'algues. Quand la vague se retirait,les petits crabes gris sortaient, et Mondo les attrapait à la main. Giordan le Pêcheur les brisait sur la dalle de ciment et les découpait avec un petit canif rouillé.
Un jour, pas très loin en mer, ils avaient vu un grand cargo noir qui glissait sans bruit.
« Comment s'appelle-t-il ? * demandait Mondo.
Giordan le Pêcheur mettait sa main en visière et plissait ses yeux.
« Erythrea », disait-il ; puis il s'étonnait un peu :
« Tu n'as pas de bons yeux. »
« Ce n'est pas cela », disait Mondo. « Je ne sais pas lire. »
« Ah bon ? » disait Giordan.
Ils regardaient longuement le cargo qui passait.
« Qu'est-ce que ça veut dire, le nom du bateau ? » demandait Mondo.
« Erythrea? C'est un nom de pays, sur la côte d'Afrique, sur la mer Rouge. »
« C'est un joli nom », disait Mondo. « Ça doit être un beau pays. »
Mondo réfléchissait un instant.
« Et la mer là-bas s'appelle la mer Rouge ? »
Giordan le Pêcheur riait :
« Tu crois que là-bas la mer est vraiment rouge ? »
« Je ne sais pas », disait Mondo.
« Quand le soleil se couche, la mer devient rouge, c'est vrai. Mais elle s'appelle comme ça à cause des hommes qui vivaient là autrefois. »
Mondo regardait le cargo qui s'éloignait.
« II va sûrement là-bas, vers l'Afrique. »
« C'est loin », disait Giordan le Pêcheur. « II fait très chaud là-bas, il y a beaucoup de soleil et la côte est comme le désert. »
« II y a des palmiers ? »
« Oui, et des plages de sable très longues. Dans la journée, la mer est très bleue, il y a beaucoup de petits bateaux de pêche avec des voiles en forme d'aile, ils naviguent le long de la côte, de village en village. »
« Alors on peut rester assis sur la plage et regarder passer les bateaux ? On reste assis à l'ombre, et on se raconte des histoires en regardant les bateaux sur la mer? »
« Les hommmes travaillent, ils réparent les filets et ils clouent des plaques de zinc sur la coque des bateaux échoués dans le sable. Les enfants vont chercher des brindilles sèches et ils allument des feux sur la plage pour faire chauffer la poix qui sert à colmater les fissures des bateaux. »
Giordan le Pêcheur ne regardait plus sa ligne maintenant. Il regardait au loin, vers l'horizon, comme s'il cherchait à voir vraiment tout cela.
« II y a des requins dans la mer Rouge ? »
« Oui, il y en a toujours un ou deux qui suivent les bateaux, mais les gens sont habitués, ils n'y font pas attention. »
« Ils ne sont pas méchants ? »
« Les requins sont comme les renards, tu sais. Ils sont toujours à la recherche des ordures qui tombent à l'eau, de quelque chose à chaparder. Mais ils ne sont pas méchants. »
« Ça doit être grand, la mer Rouge », disait Mondo.
« Oui, c'est très grand... Il y a beaucoup de villes sur les côtes, des ports qui ont de drôles de noms... Ballul, Barasali, Debba... Massawa, c'est une grande ville toute blanche. Les bateaux vont loin le long de la côte, ils naviguent pendant des jours et des nuits, ils naviguent vers le nord, jusqu'à Ras Kasar, ou bien ils vont vers les îles, à Dahlak Kebir, dans l'archipel des Nora, quelquefois même jusqu'aux îles Farasan, de l'autre côté de la mer. »
Mondo aimait beaucoup les îles.
« Oh oui, il y a beaucoup d'îles, des îles avec des rochers rouges et des plages de sable, et sur les îles il y a des palmiers ! »
« A la saison des pluies, il y a des tempêtes, le vent souffle si fort qu'il déracine les palmiers et qu'il enlève le toit des maisons. »
« Les bateaux font naufrage ? »
« Non, les gens restent chez eux, à l'abri, personne ne sort en mer. »
« Mais ça ne dure pas longtemps. »
« Sur une petite île, il y a un pêcheur avec toute sa famille. Ils vivent dans une maison en feuilles de palmier, au bord de la plage. Le fils aîné du pêcheur est déjà grand, il doit avoir ton âge. Il va sur le bateau avec son père, et il jette les filets dans la mer. Quand il les retire, ils sont remplis de poissons. Il aime beaucoup partir avec son père sur le bateau, il est fort et il sait déjà bien manoeuvrer la voile pour prendre le vent.
Quand il fait beau et que la mer est calme, le pêcheur emmène toute sa famille, ils vont voir des parents et des amis dans les îles voisines, et ils reviennent le soir. »
« Le bateau avance tout seul, sans faire de bruit, et la mer Rouge est toute rouge parce que c'est le coucher de soleil. »
Pendant qu'ils parlaient, le cargo Erythrea avait fait un grand virage sur la mer. Le bateau-pilote revenait en tanguant sur le sillage, et le cargo donnait juste un coup de sirène bref pour dire au revoir.
« Quand est-ce que vous irez là-bas, vous aussi ? » demandait Mondo.
« En Afrique, sur la mer Rouge ? » Giordan le Pêcheur riait. « Je ne peux pas aller là-bas, je dois rester ici, sur la digue. »
« Pourquoi ? »
Il cherchait une réponse.
« Parce que... Parce que moi, je suis un marin qui n'a pas de bateau. »
Puis il recommençait à regarder sa gaule. Quand le soleil était tout près de l'horizon, Giordan le Pêcheur posait la gaule à plat sur la dalle de ciment, et il sortait de la poche de sa veste un sandwich. Il en donnait la moitié à Mondo et ils mangeaient ensemble en regardant les reflets du soleil sur la mer.
Mondo s'en allait avant la nuit, pour chercher unecachette où dormir.
« Au revoir ! » disait Mondo.
« Au revoir ! » disait Giordan. Quand Mondo était un peu éloigné, il lui criait :
« Reviens me voir! Je t'apprendrai à lire. Ce n'est pas difficile. »
Il restait à pêcher jusqu'à ce qu'il fasse tout à fait nuit et que le phare commence à envoyer ses signaux réguliers, toutes les quatre secondes.
Questionnaire:
Comment s'appelle le personnage qui est ami de Mondo?
Pourquoi, selon vous, Mondo l'aime-t-il?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire