mardi 29 mai 2012

3ème chapitre (2/2)



(...)
Mondo entrait dans les halls des immeubles, au hasard. Il s'arrêtait pour regarder les boîtes aux lettres vides, et les tableaux d'incendie. Il pressait sur le bouton de la minuterie, et il écoutait un instant le tictac, jusqu'à ce que la lumière s'éteigne. Au fond du hall, il y avait les premières marches des escaliers, la rampe de bois ciré, et un grand miroir terne encadré par des statues de plâtre. Mondo avait envie de faire un tour en ascenseur, mais il n'osait pas, parce que c'est défendu de laisser les enfants jouer avec l'ascenseur.
Une jeune femme entrait dans l'immeuble. Elle était belle, avec des cheveux châtains ondulés et une robe claire qui bruissait autour d'elle. Elle sentait bon.
Mondo était sorti de l'encoignure de la porte, et elle avait sursauté.
« Qu'est-ce que tu veux ? »
« Est-ce que je peux monter dans l'ascenseur avec vous ? »
La jeune femme souriait gentiment.
« Bien sûr, voyons ! Viens ! »
L'ascenseur bougeait un peu sous les pieds comme un bateau.
« Où est-ce que tu vas ? »
« Tout à fait en haut. »
« Au sixième ? Moi aussi. "
L'ascenseur montait doucement. Mondo regardait à travers les vitres les plafonds qui reculaient. Les portes vibraient, et à chaque étage on entendait un drôle de claquement. On entendait aussi les câbles siffler dans la cage de l'ascenseur.
« Tu habites ici ? »
La jeune femme regardait Mondo avec curiosité.
« Non madame.
Tu vas voir des amis ? »
« Non madame, je me promène. »
«Ah? »
La jeune femme regardait toujours Mondo. Elle avait de grands yeux calmes et doux, un peu humides. Elle avait ouvert son sac à main et elle avait donné à Mondo un bonbon enveloppé dans du papier transparent. Mondo regardait les étages passer très lentement.
« C'est haut, comme en avion », disait Mondo.
« Tu es déjà allé en avion ? »
« Oh non, madame, pas encore. Ça doit être bien. »
La jeune femme riait un peu.
« Ça va plus vite que l'ascenseur, tu sais ! »
« Ça va plus haut aussi ! »
« Oui, beaucoup plus haut ! »
L'ascenseur était arrivé avec un gémissement, et une secousse. La jeune femme sortait.
« Tu descends ? »
« Non », disait Mondo ; « je vais retourner en bas tout de suite. »
« Ah oui ? Comme tu veux. Pour redescendre, tu appuies sur l'avant-dernier bouton, là. Fais attention à ne pas toucher au bouton rouge, c'est la sonnette d'alarme. »
Avant de refermer la porte, elle souriait encore.
« Bon voyage ! »
« Au revoir ! » disait Mondo.

(...)

Au milieu d'eux, une vieille femme progressait lentement sur le trottoir, le dos courbé, sans voir personne. Son sac à provisions était rempli de nourriture, et il pesait si lourd qu'il touchait le sol à chaque pas. Mondo s'approchait d'elle et l'aidait à porter son sac. Il entendait la respiration de la vieille femme qui soufflait un peu derrière lui.
La vieille femme s'était arrêtée devant la porte d'un immeuble gris, et Mondo avait monté l'escalier avec elle. Il pensait que la vieille femme était peut-être sa grand-mère, ou bien sa tante, mais il ne lui parlait pas, parce qu'elle était un peu sourde. La vieille femme avait ouvert une porte, au quatrième étage, et elle était allée dans sa cuisine pour couper une tranche de pain d'épice rassis. Elle l'avait donnée à Mondo, et il avait vu que sa main tremblait beaucoup. Sa voix aussi tremblait quand elle avait dit :
« Dieu te bénisse. »
Un peu plus loin, dans la rue, Mondo sentait qu'il devenait très petit. Il marchait au ras du mur, et les gens autour de lui devenaient hauts comme des arbres, avec des visages lointains, comme les balcons des immeubles. (...)
Mondo se glissait au milieu d'eux, et seuls ceux qui regardent vers le bas pouvaient le voir. Il n'avait pas peur, sauf de temps en temps pour traverser les rues. Mais il cherchait quelqu'un, partout dans la ville, dans les jardins, sur la plage. Il ne savait pas très bien qui il cherchait, ni pourquoi, mais quelqu'un, comme cela, simplement pour lui dire très vite et tout de suite après lire la réponse dans ses yeux :
« Est-ce que vous voulez bien m'adopter?»

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