jeudi 31 mai 2012

5ème chapitre (1/2)



(...)
Quand Mondo était assis sur le parvis des églises avec le vieux Dadi, les gens étaient un peu étonnés. Ils s'arrêtaient pour regarder le petit garçon et le vieil homme avec ses colombes, et ils donnaient davantage de pièces parce qu'ils étaient émus. Mais Mondo ne restait pas très longtemps à mendier, parce qu'il y avait toujours une ou deux femmes qui n'aimaient pas voir cela et qui commençaient à poser des questions. Et puis il fallait faire attention au Ciapacan. Si la camionnette grise était passée à ce moment-là, sûrement les hommes en uniforme seraient sortis et l'auraient emmené. Ils auraient peut-être même emmené le vieux Dadi et ses colombes.
(...)
Il y avait beaucoup de choses à voir, partout, dans les rues, sur la plage, et dans les terrains vagues. Mondo n'aimait pas tellement les endroits où il y avait beaucoup de gens. Il préférait les espaces ouverts, là où on voit loin, les esplanades, les jetées qui avancent au milieu de la mer, les avenues droites où roulent les camions-citernes. C'était dans ces endroits-là qu'il pouvait trouver des gens à qui parler, pour leur dire simplement:
« Est-ce que vous voulez m'adopter ? »
C'étaient des gens un peu rêveurs, qui marchaient les mains derrière leur dos en pensant à autre chose. Il y avait des astronomes, des professeurs d'histoire, des musiciens, des douaniers. Il y avait quelquefois un peintre du dimanche, qui peignait des bateaux, des arbres, ou des couchers de soleil, assis sur un strapontin. Mondo restait un moment à côté de lui, à regarder le tableau. Le peintre se retournait et disait :
« Ça te plaît ? »
Mondo faisait oui de la tête. Il montrait un homme et un chien qui marchaient sur le quai, au loin.
« Et eux, vous allez les dessiner aussi ? »
« Si tu veux », disait le peintre. Avec son pinceau le plus fin, il mettait sur la toile une petite silhouette noire qui ressemblait plutôt à un insecte. Mondo réfléchissait un peu, et il disait :

« Vous savez dessiner le ciel ? »
Le peintre s'arrêtait de peindre et le regardait avec étonnement.
« Le ciel ? »
« Oui, le ciel, avec les nuages, le soleil. Ce serait bien.»
Le peintre n'avait jamais pensé à cela. Il regardait le ciel au-dessus de lui, et il riait.
(...)

Il y avait quelqu'un que Mondo aimait bien rencontrer. C'était un homme jeune, assez grand et fort, avec un visage très rouge et des yeux bleus. Il était habillé d'un uniforme bleu foncé et il portait une grosse besace de cuir remplie de lettres. Mondo le rencontrait souvent, le matin, dans le chemin d'escaliers qui montait à travers la colline. La première fois que Mondo lui avait demandé :
« Est-ce que vous avez une lettre pour moi ? »
Le gros homme avait ri. Mais Mondo le croisait chaque jour, et chaque jour il allait vers lui et lui posait la même question :

« Et aujourd'hui ? Est-ce que vous avez une lettre pour moi ? »
Alors l'homme ouvrait sa besace et cherchait.
« Voyons, voyons... C'est comment ton nom, déjà ? »
« Mondo », disait Mondo.
« Mondo... Mondo... Non, pas de lettre aujourd'hui.»
Quelquefois tout de même, il sortait de sa besace un petit journal imprimé, ou bien une réclame et il les tendait à Mondo.
« Tiens, aujourd'hui, il y a ça qui est arrivé pour toi. »
Il lui faisait un clin d'oeil et il continuait son chemin.
Un jour, Mondo avait très envie d'écrire des lettres, et il avait décidé de chercher quelqu'un pour lui apprendre à lire et à écrire.
(...)

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