jeudi 31 mai 2012

5ème Chapitre (2/2)


Quand la nuit tombait, Mondo retournait à la Maison de la Lumière d'Or. Il mangeait le riz et les légumes dans la grande salle, avec Thi Chin, puis il sortait dans le jardin. Il attendait que la petite femme vienne le rejoindre, et ils marchaient ensemble très lentement sur le sentier de gravier, jusqu'à ce qu'ils soient complètement entourés par les arbres et les buissons. Thi Chin prenait la main de Mondo et la serrait si fort qu'il avait mal. Mais c'était bien quand même, de marcher comme cela dans la nuit sans lumières, en tâtant du bout du pied pour ne pas tomber, guidés seulement par le bruit du gravier qui crissait sous les semelles. Mondo écoutait le chant strident du criquet caché, il sentait les odeurs des arbustes qui écartaient leurs feuilles dans la nuit. Ça faisait un peu tourner la tête, et c'était pour ça que la petite femme serrait très fort sa main, pour ne pas avoir le vertige.

« La nuit, tout sent bon », disait Mondo.
« C'est parce qu'on ne voit pas », disait Thi Chin.
« On sent mieux, et on entend mieux quand on ne voit pas. »
Elle s'arrêtait sur le chemin.
« Regarde, on va voir les étoiles, maintenant. »
Le cri aigu du criquet résonnait tout près d'eux, comme s'il sortait du ciel même. Les étoiles apparaissaient, l'une après l'autre, elles palpitaient faiblement dans l'humidité de la nuit. Mondo les regardait, la tête renversée, en retenant son souffle.
« Elles sont belles, est-ce qu'elles disent quelque chose, Thi Chin ? »
« Oui, elles disent beaucoup de choses, mais on ne comprend pas ce qu'elles disent.»


« Même si on savait lire, on ne pourrait pas comprendre? »

« Non, on ne pourrait pas, Mondo. Les hommes ne peuvent pas comprendre ce que disent les étoiles. »
« Peut-être qu'elles racontent ce qu'il y aura plus tard, dans très longtemps. »
« Oui, ou bien peut-être qu'elles se racontent des histoires. »
Thi Chin aussi les regardait sans bouger, en serrant très fort la main de Mondo.
« Peut-être qu'elles disent la route qu'il faut suivre, les pays où il faut aller. »
Mondo réfléchissait.
« Elles brillent fort maintenant. Peut-être qu'elles sont des âmes.

Thi Chin voulait voir le visage de Mondo, mais tout était noir. Alors, tout d'un coup, elle se mettait à trembler, comme si elle avait peur. Elle serrait la main de Mondo contre sa poitrine, et elle appuyait sa joue contre son épaule. Sa voix était toute bizarre et triste, comme si quelque chose lui faisait mal.
« Mondo, Mondo... »

Elle répétait son nom avec sa voix étouffée et son corps tremblait.

« Qu'est-ce que vous avez ? » demandait Mondo. Il essayait de la calmer en lui parlant. « Je suis là, je ne vais pas partir, je ne veux pas m'en aller. »
Il ne voyait pas le visage de Thi Chin, mais il devinait qu'elle pleurait, et c'était pour cela que son corps tremblait. Thi Chin s'écartait un peu, pour que Mondo ne sente pas couler ses larmes.

« Excuse-moi, je suis bête », disait-elle ; mais sa voix n'arrivait pas à parler.
« Ne soyez pas triste », disait Mondo. Il l'entraînait à l'autre bout du jardin. « Venez, nous allons voir les lumières de la ville dans le ciel. »
Ils allaient jusqu'à l'endroit où on pouvait voir la grande lueur rose en forme de champignon, au-dessus des arbres. Il y avait même un avion qui passait en clignotant, et ça les faisait rire.
Puis ils s'asseyaient sur le chemin de gravier, sans se lâcher la main. La petite femme avait oublié sa tristesse, et elle parlait à nouveau, à voix basse, sans penser à ce qu'elle disait. Mondo parlait aussi, et le criquet faisait son bruit strident, dans sa cachette au milieu des feuilles. Mondo et Thi Chin restaient assis comme cela très longtemps, jusqu'à ce que leurs paupières deviennent lourdes. Alors ils s'endormaient par terre, et le jardin bougeait lentement, lentement, comme le pont d'un bateau.




Questionnaire:
Dans ce passage, Thi Chi est triste et heureuse. Pourquoi?

5ème chapitre (1/2)



(...)
Quand Mondo était assis sur le parvis des églises avec le vieux Dadi, les gens étaient un peu étonnés. Ils s'arrêtaient pour regarder le petit garçon et le vieil homme avec ses colombes, et ils donnaient davantage de pièces parce qu'ils étaient émus. Mais Mondo ne restait pas très longtemps à mendier, parce qu'il y avait toujours une ou deux femmes qui n'aimaient pas voir cela et qui commençaient à poser des questions. Et puis il fallait faire attention au Ciapacan. Si la camionnette grise était passée à ce moment-là, sûrement les hommes en uniforme seraient sortis et l'auraient emmené. Ils auraient peut-être même emmené le vieux Dadi et ses colombes.
(...)
Il y avait beaucoup de choses à voir, partout, dans les rues, sur la plage, et dans les terrains vagues. Mondo n'aimait pas tellement les endroits où il y avait beaucoup de gens. Il préférait les espaces ouverts, là où on voit loin, les esplanades, les jetées qui avancent au milieu de la mer, les avenues droites où roulent les camions-citernes. C'était dans ces endroits-là qu'il pouvait trouver des gens à qui parler, pour leur dire simplement:
« Est-ce que vous voulez m'adopter ? »
C'étaient des gens un peu rêveurs, qui marchaient les mains derrière leur dos en pensant à autre chose. Il y avait des astronomes, des professeurs d'histoire, des musiciens, des douaniers. Il y avait quelquefois un peintre du dimanche, qui peignait des bateaux, des arbres, ou des couchers de soleil, assis sur un strapontin. Mondo restait un moment à côté de lui, à regarder le tableau. Le peintre se retournait et disait :
« Ça te plaît ? »
Mondo faisait oui de la tête. Il montrait un homme et un chien qui marchaient sur le quai, au loin.
« Et eux, vous allez les dessiner aussi ? »
« Si tu veux », disait le peintre. Avec son pinceau le plus fin, il mettait sur la toile une petite silhouette noire qui ressemblait plutôt à un insecte. Mondo réfléchissait un peu, et il disait :

« Vous savez dessiner le ciel ? »
Le peintre s'arrêtait de peindre et le regardait avec étonnement.
« Le ciel ? »
« Oui, le ciel, avec les nuages, le soleil. Ce serait bien.»
Le peintre n'avait jamais pensé à cela. Il regardait le ciel au-dessus de lui, et il riait.
(...)

Il y avait quelqu'un que Mondo aimait bien rencontrer. C'était un homme jeune, assez grand et fort, avec un visage très rouge et des yeux bleus. Il était habillé d'un uniforme bleu foncé et il portait une grosse besace de cuir remplie de lettres. Mondo le rencontrait souvent, le matin, dans le chemin d'escaliers qui montait à travers la colline. La première fois que Mondo lui avait demandé :
« Est-ce que vous avez une lettre pour moi ? »
Le gros homme avait ri. Mais Mondo le croisait chaque jour, et chaque jour il allait vers lui et lui posait la même question :

« Et aujourd'hui ? Est-ce que vous avez une lettre pour moi ? »
Alors l'homme ouvrait sa besace et cherchait.
« Voyons, voyons... C'est comment ton nom, déjà ? »
« Mondo », disait Mondo.
« Mondo... Mondo... Non, pas de lettre aujourd'hui.»
Quelquefois tout de même, il sortait de sa besace un petit journal imprimé, ou bien une réclame et il les tendait à Mondo.
« Tiens, aujourd'hui, il y a ça qui est arrivé pour toi. »
Il lui faisait un clin d'oeil et il continuait son chemin.
Un jour, Mondo avait très envie d'écrire des lettres, et il avait décidé de chercher quelqu'un pour lui apprendre à lire et à écrire.
(...)

mardi 29 mai 2012

4ème chapitre: résumé


Complétez ce résumé avec les mots qui suivent:

                              biscuits, cachette, ciel, couleur, jardin,  nuit, réveillé, soleil.

Un soir, Mondo sort de sa ................. près de la digue et décide d’emprunter le chemin sinueux qui mène aux collines avoisinantes. Il espère grimper jusqu’au .............. . Au cours de son ascension, il aperçoit une maison  de .................... ocre qu’il surnomme la «Maison de la Lumière d’Or». Il se cache dans les buissons du ................. pour observer la villa à son aise. Il s’endort, mais il est rapidement  .................... par la maitresse de maison, la vietnamienne Ti Chin. Celle-ci l’invite à visiter la maison et lui offre du thé et des ...................... À l’intérieur, Mondo admire le  ................. qui se décuple dans les carreaux des fenêtres. À la tombée du jour, ils sortent tous les deux dans le jardin pour observer la ................. Ti Chin berce Mondo avec des légendes orientales et l’invite à rester dormir .


3ème chapitre - Résumé

Complétez ce résumé avec les mots adéquats.


Au petit matin, Mondo se rend sur ............. pour observer le jour qui se lève. Quand .............. monte haut dans le ciel, Mondo se baigne  dans l’eau de mer pour se réchauffer. Vers .............., il retourne au jardin public et aperçoit un petit garçon qui joue avec son tricycle rouge. Il lui demande immédiatement s’il accepterait de le lui prêter, mais le petit garçon prend peur et s’éloigne.Mondo passe ensuite devant un immeuble et attend la venue d’un de ses habitants pour pouvoir ............ l’ascenseur avec lui. Par la suite, il croise une vieille femme et l’aide à porter son sac ............... Lorsqu’il retourne en rue, il se sent minuscule et cherche à nouveau quelqu’un pour ...........

3ème chapitre (2/2)



(...)
Mondo entrait dans les halls des immeubles, au hasard. Il s'arrêtait pour regarder les boîtes aux lettres vides, et les tableaux d'incendie. Il pressait sur le bouton de la minuterie, et il écoutait un instant le tictac, jusqu'à ce que la lumière s'éteigne. Au fond du hall, il y avait les premières marches des escaliers, la rampe de bois ciré, et un grand miroir terne encadré par des statues de plâtre. Mondo avait envie de faire un tour en ascenseur, mais il n'osait pas, parce que c'est défendu de laisser les enfants jouer avec l'ascenseur.
Une jeune femme entrait dans l'immeuble. Elle était belle, avec des cheveux châtains ondulés et une robe claire qui bruissait autour d'elle. Elle sentait bon.
Mondo était sorti de l'encoignure de la porte, et elle avait sursauté.
« Qu'est-ce que tu veux ? »
« Est-ce que je peux monter dans l'ascenseur avec vous ? »
La jeune femme souriait gentiment.
« Bien sûr, voyons ! Viens ! »
L'ascenseur bougeait un peu sous les pieds comme un bateau.
« Où est-ce que tu vas ? »
« Tout à fait en haut. »
« Au sixième ? Moi aussi. "
L'ascenseur montait doucement. Mondo regardait à travers les vitres les plafonds qui reculaient. Les portes vibraient, et à chaque étage on entendait un drôle de claquement. On entendait aussi les câbles siffler dans la cage de l'ascenseur.
« Tu habites ici ? »
La jeune femme regardait Mondo avec curiosité.
« Non madame.
Tu vas voir des amis ? »
« Non madame, je me promène. »
«Ah? »
La jeune femme regardait toujours Mondo. Elle avait de grands yeux calmes et doux, un peu humides. Elle avait ouvert son sac à main et elle avait donné à Mondo un bonbon enveloppé dans du papier transparent. Mondo regardait les étages passer très lentement.
« C'est haut, comme en avion », disait Mondo.
« Tu es déjà allé en avion ? »
« Oh non, madame, pas encore. Ça doit être bien. »
La jeune femme riait un peu.
« Ça va plus vite que l'ascenseur, tu sais ! »
« Ça va plus haut aussi ! »
« Oui, beaucoup plus haut ! »
L'ascenseur était arrivé avec un gémissement, et une secousse. La jeune femme sortait.
« Tu descends ? »
« Non », disait Mondo ; « je vais retourner en bas tout de suite. »
« Ah oui ? Comme tu veux. Pour redescendre, tu appuies sur l'avant-dernier bouton, là. Fais attention à ne pas toucher au bouton rouge, c'est la sonnette d'alarme. »
Avant de refermer la porte, elle souriait encore.
« Bon voyage ! »
« Au revoir ! » disait Mondo.

(...)

Au milieu d'eux, une vieille femme progressait lentement sur le trottoir, le dos courbé, sans voir personne. Son sac à provisions était rempli de nourriture, et il pesait si lourd qu'il touchait le sol à chaque pas. Mondo s'approchait d'elle et l'aidait à porter son sac. Il entendait la respiration de la vieille femme qui soufflait un peu derrière lui.
La vieille femme s'était arrêtée devant la porte d'un immeuble gris, et Mondo avait monté l'escalier avec elle. Il pensait que la vieille femme était peut-être sa grand-mère, ou bien sa tante, mais il ne lui parlait pas, parce qu'elle était un peu sourde. La vieille femme avait ouvert une porte, au quatrième étage, et elle était allée dans sa cuisine pour couper une tranche de pain d'épice rassis. Elle l'avait donnée à Mondo, et il avait vu que sa main tremblait beaucoup. Sa voix aussi tremblait quand elle avait dit :
« Dieu te bénisse. »
Un peu plus loin, dans la rue, Mondo sentait qu'il devenait très petit. Il marchait au ras du mur, et les gens autour de lui devenaient hauts comme des arbres, avec des visages lointains, comme les balcons des immeubles. (...)
Mondo se glissait au milieu d'eux, et seuls ceux qui regardent vers le bas pouvaient le voir. Il n'avait pas peur, sauf de temps en temps pour traverser les rues. Mais il cherchait quelqu'un, partout dans la ville, dans les jardins, sur la plage. Il ne savait pas très bien qui il cherchait, ni pourquoi, mais quelqu'un, comme cela, simplement pour lui dire très vite et tout de suite après lire la réponse dans ses yeux :
« Est-ce que vous voulez bien m'adopter?»

3ème chapitre (1/2)



Mondo aimait bien faire ceci: il s'asseyait sur la plage, les bras autour de ses genoux, et il regardait le soleil se lever.
 (...)

II n'y avait personne sur la plage, seulement quelques mouettes qui flottaient sur la mer. L'eau était très transparente, grise, bleue et rose, et les cailloux étaient très blancs.
(...)


Quand le soleil était un peu plus haut, Mondo se mettait debout, parce qu'il avait froid. Il ôtait ses habits. L'eau de la mer était plus douce et plus tiède que l'air, et Mondo se plongeait jusqu'au cou. Il penchait son visage, il ouvrait ses yeux dans l'eau pour voir le fond. Il entendait le crissement fragile des vagues qui déferlaient, et cela faisait une musique qu'on ne connaît pas sur la terre.
Mondo restait longtemps dans l'eau, jusqu'à ce que ses doigts deviennent blancs et que ses jambes se mettent à trembler. Alors il retournait s'asseoir sur la plage, le dos contre le mur de soutien de la route, et il attendait les yeux fermés que la chaleur du soleil enveloppe son corps.
(...)
Puis il se rhabillait et quittait la plage. C'était un jour de fête, et il n'y avait rien à craindre du
Ciapacan. Les jours de fête, les chiens et les enfants pouvaient vagabonder librement dans les rues.
(...)
L'ennui, c'est que tout était fermé. Les marchands ne venaient pas vendre leurs légumes, les boulangeries avaient leur rideau de fer baissé. Mondo avait faim. En passant devant la boutique d'un glacier qui s'appelait. La Boule de Neige, il avait acheté un cornet de glace à la vanille, et il la mangeait en marchant dans les rues.
Maintenant, le soleil éclairait bien les trottoirs. Mais les gens ne se montraient pas. Ils devaient être fatigués.
De temps en temps, quelqu'un venait, et Mondo le saluait, mais on le regardait avec étonnement parce qu'il avait les cheveux et les cils blanchis par le sel et le visage bruni par le soleil. Peut-être que les gens le prenaient pour un mendiant.

lundi 28 mai 2012

Extrait du film (IV)


2ème chapitre (2/2)


A cette époque-là il avait fait la connaissance du Gitan, du Cosaque et de leur vieil ami Dadi. C'étaient les noms qu'on leur avait donnés, ici dans notre ville, parce qu'on ne savait pas leurs vrais noms. Le Gitan n'était pas gitan, mais on l'appelait comme cela à cause de son teint basané, de ses cheveux très noirs et de son profil d'aigle; mais il devait sans doute son surnom au fait qu'il habitait dans une vieille Hotchkiss noire garée sur l'esplanade et qu'il gagnait sa vie en faisant des tours de prestidigitation. Le Cosaque, lui, c'était un homme étrange, de type mongol, qui était toujours coiffé d'un gros bonnet de fourrure qui lui donnait l'air d'un ours. Il jouait de l'accordéon devant les terrasses des cafés, la nuit surtout, parce que dans la journée il était complètement ivre. Mais celui que Mondo préférait, c'était le vieux Dadi.
Un jour qu'il marchait le long de la plage, il l'avait vu assis par terre sur une feuille de journal. Le vieil homme se chauffait au soleil sans faire attention aux gens qui passaient devant lui. Mondo avait été intrigué par une petite valise en carton bouilli jaune percée de trous que le vieux Dadi avait posée par terre, à côté de lui, sur une autre feuille de journal. Dadi avait l'air doux et tranquille, et Mondo n'avait pas du tout peur de lui. Il s'était approché pour regarder la valise jaune, et il avait demandé à Dadi :
« Qu'est-ce qu'il y a dans votre valise ? »
L'homme avait ouvert un peu les yeux. Sans rien dire, il avait pris la valise sur ses genoux et il avait entrouvert le couvercle. Il souriait d'un air mystérieux en passant sa main sous le couvercle, puis en sortant
un couple de colombes.
« Elles sont très belles », avait dit Mondo. « Comment s'appellent-elles ? »
Dadi lissait les plumes des oiseaux, puis les approchait de ses joues.
« Lui, c'est Pilou, et elle, c'est Zoé. »
II tenait les colombes dans ses mains, il les caressait très doucement contre son visage. Il regardait au loin, avec ses yeux humides et clairs qui ne voyaient pas bien.
Mondo avait caressé doucement la tête des colombes. La lumière du soleil les éblouissait, et elles voulaient rentrer dans leur valise. Dadi leur parlait à voix basse pour les calmer, puis il les enfermait de nouveau sous le couvercle.
« Elles sont très belles », avait répété Mondo. Et il était parti, tandis que l'homme fermait les yeux et continuait à dormir assis sur son journal.
Quand la nuit tombait, Mondo allait voir Dadi sur l'esplanade. Il travaillait avec le Gitan et le Cosaque pour la représentation publique, c'est-à-dire qu'il était assis un peu à l'écart avec sa valise jaune pendant que le Gitan jouait du banjo et que le Cosaque parlait avec sa grosse voix pour attirer les badauds. Le Gitan jouait
vite, en regardant bouger ses doigts, et en chantonnant. Son visage sombre brillait dans la lumière des réverbères.
Mondo se mettait au premier rang des spectateurs, et il saluait Dadi. Maintenant, le Gitan commençait la représentation. Debout devant les spectateurs, il sortait des mouchoirs de toutes les couleurs de son poing fermé, avec une rapidité incroyable. Les mouchoirs légers tombaient par terre, et Mondo devait les ramasser
au fur et à mesure. C'était son travail. Puis le Gitan sortait toutes sortes d'objets bizarres de sa main, des clés, des bagues, des crayons, des images, des balles de ping-pong et même des cigarettes allumées qu'il distribuait aux gens. Il faisait cela si vite qu'on n'avait pas le temps de voir bouger ses mains. Les gens riaient et applaudissaient, et les pièces de monnaie commençaient à tomber par terre.
« Petit, aide-nous à ramasser les pièces », disait le Cosaque.
Les mains du Gitan prenaient un oeuf, l'enveloppaient dans un mouchoir rouge, puis s'arrêtaient une seconde.
« At... tention ! »
Les mains frappaient l'une contre l'autre. Quand elles dénouaient le mouchoir, l'oeuf avait disparu. Les gens applaudissaient encore plus fort, et Mondo ramassait d'autres pièces qu'il mettait dans une boîte de fer. Quand il n'y avait plus de pièces, Mondo s'asseyait sur ses talons et regardait à nouveau les mains du Gitan. Elles bougeaient vite, comme si elles étaient indépendantes. Le Gitan sortait d'autres oeufs de sa main fermée, puis les faisait disparaître entre ses mains, d'un coup. A chaque fois qu'un oeuf allait disparaître, il regardait Mondo en faisant un clin d'oeil.
« Hop ! Hop ! »
Mais ce que le Gitan savait faire de plus beau, c'est quand il prenait deux oeufs très blancs qui venaient dans ses mains sans qu'on comprenne comment; il les enveloppait dans deux grands mouchoirs rouge et jaune, puis il levait ses bras en l'air et restait un moment sans bouger. Tout le monde le regardait alors en retenant son souffle.
« At... tention! »
Le Gitan baissait les bras en dépliant les mouchoirs, et deux colombes blanches sortaient des mouchoirs et volaient au-dessus de sa tête avant d'aller se percher sur les épaules du vieux Dadi.
Les gens criaient :
« Oh! » et ils applaudissaient très fort et jetaient une grosse pluie de pièces.
Quand la représentation était finie, le Gitan allait acheter des sandwiches et de la bière, et tout le monde allait s'asseoir sur le marchepied de la vieille Hotchkiss noire.
« Tu m'as bien aidé, petit », disait le Gitan à Mondo.
Le Cosaque buvait la bière et s'exclamait très fort :
« C'est ton fils, Gitan ? »
« Non, c'est mon ami Mondo. »
« Alors, à ta santé, mon ami Mondo ! »
Il était déjà un peu ivre.
« Est-ce que tu sais jouer de la musique ? »
« Non monsieur », disait Mondo.
Le Cosaque éclatait de rire.
« Non monsieur ! Non monsieur ! » Il répétait ça en criant, mais Mondo ne comprenait pas ce qui le faisait rire.
Ensuite le Cosaque prenait son petit accordéon et il commençait à jouer. Ce n'était pas vraiment de la musique qu'il faisait, c'était une suite de sons étranges et monotones, qui descendaient et montaient, tantôt vite, tantôt doucement. Le Cosaque jouait en frappant du pied sur le sol, et il chantait avec sa voix grave en répétant tout le temps les mêmes syllabes.
« Ay, ay, yaya, yaya, ayaya, yaya, ayaya, yaya, ay, ay ! » Il chantait et jouait de l'accordéon, en se balançant, et Mondo pensait qu'il avait vraiment l'air d'un gros ours.
Les gens qui passaient s'arrêtaient un instant pour le regarder, ils riaient un peu et continuaient leur chemin.
Plus tard, quand la nuit était tout à fait noire, le Cosaque cessait de jouer, et il s'asseyait sur le marchepied de la Hotchkiss à côté du Gitan. Ils allumaient des cigarettes de tabac noir qui sentait fort et ils parlaient en buvant d'autres canettes de bière. Ils parlaient de choses lointaines que Mondo ne comprenait pas bien, des souvenirs de guerre et de voyage. Quelquefois le vieux Dadi parlait aussi, et Mondo écoutait ses paroles, parce qu'il était surtout question d'oiseaux, de colombes et de pigeons voyageurs. Dadi racontait avec sa voix douce, un peu essoufflée, les histoires de ces oiseaux qui volaient longtemps au-dessus de la campagne, quand la terre glissait sous eux avec ses rivières en méandres, les petits arbres plantés le long des routes pareilles à des rubans noirs, les maisons aux toits rouges et gris, les fermes entourées de champs de toutes les couleurs, les prairies, les collines, les montagnes qui ressemblaient à des tas de cailloux. Le petit homme racontait aussi comment les oiseaux revenaient toujours vers leur maison, en lisant sur le paysage comme sur une carte, ou bien en naviguant aux étoiles, comme les marins et les aviateurs. Les maisons des oiseaux étaient semblables à des tours, mais il n'y avait pas de porte, simplement des fenêtres étroites juste sous le toit. Quand il faisait chaud, on entendait les roucoulements qui montaient des tours, et on savait que les oiseaux étaient revenus.
Mondo écoutait la voix de Dadi, il voyait la braise des cigarettes qui luisait dans la nuit. Autour de l'esplanade, les autos roulaient en faisant un bruit doux comme l'eau, et les lumières des maisons s'éteignaient une à une. Il était très tard, et Mondo sentait sa vue qui se brouillait parce qu'il allait s'endormir. Alors le Gitan l'envoyait se coucher sur la banquette arrière de la Hotchkiss, et c'est là qu'il passait la nuit. Le vieux Dadi rentrait chez lui, mais le Gitan et le Cosaque ne dormaient pas. Ils restaient assis sur le marchepied de la voiture, jusqu'au matin, comme cela, à boire, à fumer, et à parler.

Questionnaire:
Qui sont Dadi, le Gitan et le Cosaque?
Qu'ont-ils de commun avec Mondo?




2ème chapitre (1/2)


Tout ça était très bien, mais il fallait faire attention au Ciapacan. Chaque matin, quand le jour se levait, la camionnette grise aux fenêtres grillagées circulait lentement dans les rues de la ville, sans faire de bruit, au ras des trottoirs. Elle rôdait dans les rues encore endormies et brumeuses, à la recherche des chiens et des enfants perdus.
Mondo l'avait aperçue un jour, alors qu'il venait de quitter sa cachette du bord de mer et qu'il traversait un jardin. La camionnette s'était arrêtée à quelques mètres devant lui, et il avait eu juste le temps de se blottir derrière un buisson. Il avait vu la porte arrière s'ouvrir et deux hommes habillés en survêtements gris étaient descendus. Ils portaient deux grands sacs de toile et des cordes. Ils avaient commencé à chercher dans les allées du jardin, et Mondo avait entendu leurs paroles quand ils étaient passés à côté du buisson.
« Il est parti par là. »
« Tu l'as vu ?»
« Oui, il ne doit pas être loin. »
Les deux hommes en gris s'étaient éloignés, chacun dans une direction, et Mondo était resté immobile derrière le buisson, presque sans respirer. Un instant plus tard, il y avait eu un drôle de cri rauque qui s'était étouffé, puis à nouveau le silence. Quand les deux hommes étaient revenus, Mondo avait vu qu'ils portaient quelque chose dans un des sacs. Ils avaient chargé le sac à l'arrière de la camionnette, et Mondo avait entendu encore ces cris aigus qui faisaient mal aux oreilles. C'était un chien qu'on avait enfermé dans le sac. La camionnette grise était repartie sans se presser, avait disparu derrière les arbres du jardin.
Quelqu'un qui passait par là avait dit à Mondo que c'était le Ciapacan qui enlève les chiens qui n'ont pas de maître ; il avait regardé attentivement Mondo, et il avait ajouté, pour lui faire peur, que la camionnette emmenait quelquefois aussi les enfants qui se promenaient au lieu d'aller à l'école. Depuis ce jour, Mondo surveillait tout le temps, sur les côtés, et même derrière lui, pour être sûr de voir venir la camionnette grise.
Aux heures où les enfants sortaient de l'école, ou bien les jours de fête, Mondo savait qu'il n'y avait rien à craindre. C'était quand il y avait peu de monde dans les rues, tôt le matin ou à la tombée de la nuit, qu'il fallait faire attention. C'est peut-être pour cela que Mondo trottait un peu de travers, comme les chiens.


Questionnaire:
En classe vous avez vu l'extrait du film correspondant à ce passage. De quoi parle-t-il?


dimanche 27 mai 2012

1er chapitre (4/4)

C'est un de ces après-midi-là qu'il avait fait la connaissance de Giordan le Pêcheur. Mondo avait entendu à travers le ciment le bruit de pas de quelqu'un qui marchait sur les brise-lames. Il s'était redressé, prêt à aller se cacher, mais il avait vu cet homme d'une cinquantaine d'années qui portait une longue gaule sur son épaule, et il n'avait pas eu peur de lui. L'homme était venu jusqu'à la dalle voisine et il avait fait un petit signe amical avec la main.
« Qu'est-ce que tu fais là ?»
Il s'était installé sur le brise-lames, et il avait sorti de son sac de toile cirée toutes sortes de fils et d'hameçons.
Quand il avait commencé à pêcher, Mondo était venu à côté de lui, sur le brise-lames, et il avait regardé le pêcheur préparer les hameçons. Le pêcheur lui montrait comment on appâte, puis comment on lance, lentement d'abord, et de plus en plus fort à mesure que la ligne se dévide. Il avait prêté sa gaule à Mondo, pour qu'il apprenne à tourner le moulinet d'un geste continu, en balançant un peu la gaule de gauche à droite.
Mondo aimait bien Giordan le Pêcheur, parce qu'il ne lui avait jamais rien demandé. Il avait un visage rougi par le soleil, marqué de rides profondes, et deux petits yeux d'un vert intense qui surprenaient.
Il pêchait longtemps sur le brise-lames, jusqu'à ce que le soleil soit tout près de l'horizon. Giordan ne parlait pas beaucoup, sans doute pour ne pas faire peur aux poissons, mais il riait chaque fois qu'il ramenait une prise. Il décrochait la mâchoire du poisson avec des gestes nets et précis, et il mettait sa capture dans le sac en toile cirée. De temps en temps, Mondo allait
chercher pour lui des crabes gris pour appâter sa ligne. Il descendait au pied des brise-lames, et il guettait entre les touffes d'algues. Quand la vague se retirait,les petits crabes gris sortaient, et Mondo les attrapait à la main. Giordan le Pêcheur les brisait sur la dalle de ciment et les découpait avec un petit canif rouillé.
Un jour, pas très loin en mer, ils avaient vu un grand cargo noir qui glissait sans bruit.
« Comment s'appelle-t-il ? * demandait Mondo.
Giordan le Pêcheur mettait sa main en visière et plissait ses yeux.
« Erythrea », disait-il ; puis il s'étonnait un peu :
« Tu n'as pas de bons yeux. »
« Ce n'est pas cela », disait Mondo. « Je ne sais pas lire. »
« Ah bon ? » disait Giordan.
Ils regardaient longuement le cargo qui passait.
« Qu'est-ce que ça veut dire, le nom du bateau ? » demandait Mondo.
« Erythrea? C'est un nom de pays, sur la côte d'Afrique, sur la mer Rouge. »
« C'est un joli nom », disait Mondo. « Ça doit être un beau pays. »
Mondo réfléchissait un instant.
« Et la mer là-bas s'appelle la mer Rouge ? »
Giordan le Pêcheur riait :
« Tu crois que là-bas la mer est vraiment rouge ? »
« Je ne sais pas », disait Mondo.
« Quand le soleil se couche, la mer devient rouge, c'est vrai. Mais elle s'appelle comme ça à cause des hommes qui vivaient là autrefois. »
Mondo regardait le cargo qui s'éloignait.
« II va sûrement là-bas, vers l'Afrique. »
« C'est loin », disait Giordan le Pêcheur. « II fait très chaud là-bas, il y a beaucoup de soleil et la côte est comme le désert. »
« II y a des palmiers ? »
« Oui, et des plages de sable très longues. Dans la journée, la mer est très bleue, il y a beaucoup de petits bateaux de pêche avec des voiles en forme d'aile, ils naviguent le long de la côte, de village en village. »
« Alors on peut rester assis sur la plage et regarder passer les bateaux ? On reste assis à l'ombre, et on se raconte des histoires en regardant les bateaux sur la mer? »
« Les hommmes travaillent, ils réparent les filets et ils clouent des plaques de zinc sur la coque des bateaux échoués dans le sable. Les enfants vont chercher des brindilles sèches et ils allument des feux sur la plage pour faire chauffer la poix qui sert à colmater les fissures des bateaux. »
Giordan le Pêcheur ne regardait plus sa ligne maintenant. Il regardait au loin, vers l'horizon, comme s'il cherchait à voir vraiment tout cela.
« II y a des requins dans la mer Rouge ? »
« Oui, il y en a toujours un ou deux qui suivent les bateaux, mais les gens sont habitués, ils n'y font pas attention. »
« Ils ne sont pas méchants ? »
« Les requins sont comme les renards, tu sais. Ils sont toujours à la recherche des ordures qui tombent à l'eau, de quelque chose à chaparder. Mais ils ne sont pas méchants. »
« Ça doit être grand, la mer Rouge », disait Mondo.
« Oui, c'est très grand... Il y a beaucoup de villes sur les côtes, des ports qui ont de drôles de noms... Ballul, Barasali, Debba... Massawa, c'est une grande ville toute blanche. Les bateaux vont loin le long de la côte, ils naviguent pendant des jours et des nuits, ils naviguent vers le nord, jusqu'à Ras Kasar, ou bien ils vont vers les îles, à Dahlak Kebir, dans l'archipel des Nora, quelquefois même jusqu'aux îles Farasan, de l'autre côté de la mer. »
Mondo aimait beaucoup les îles.
« Oh oui, il y a beaucoup d'îles, des îles avec des rochers rouges et des plages de sable, et sur les îles il y a des palmiers ! »
« A la saison des pluies, il y a des tempêtes, le vent souffle si fort qu'il déracine les palmiers et qu'il enlève le toit des maisons. »
« Les bateaux font naufrage ? »
« Non, les gens restent chez eux, à l'abri, personne ne sort en mer. »
« Mais ça ne dure pas longtemps. »
« Sur une petite île, il y a un pêcheur avec toute sa famille. Ils vivent dans une maison en feuilles de palmier, au bord de la plage. Le fils aîné du pêcheur est déjà grand, il doit avoir ton âge. Il va sur le bateau avec son père, et il jette les filets dans la mer. Quand il les retire, ils sont remplis de poissons. Il aime beaucoup partir avec son père sur le bateau, il est fort et il sait déjà bien manoeuvrer la voile pour prendre le vent.
Quand il fait beau et que la mer est calme, le pêcheur emmène toute sa famille, ils vont voir des parents et des amis dans les îles voisines, et ils reviennent le soir. »
« Le bateau avance tout seul, sans faire de bruit, et la mer Rouge est toute rouge parce que c'est le coucher de soleil. »
Pendant qu'ils parlaient, le cargo Erythrea avait fait un grand virage sur la mer. Le bateau-pilote revenait en tanguant sur le sillage, et le cargo donnait juste un coup de sirène bref pour dire au revoir.
« Quand est-ce que vous irez là-bas, vous aussi ? » demandait Mondo.
« En Afrique, sur la mer Rouge ? » Giordan le Pêcheur riait. « Je ne peux pas aller là-bas, je dois rester ici, sur la digue. »
« Pourquoi ? »
Il cherchait une réponse.
« Parce que... Parce que moi, je suis un marin qui n'a pas de bateau. »
Puis il recommençait à regarder sa gaule. Quand le soleil était tout près de l'horizon, Giordan le Pêcheur posait la gaule à plat sur la dalle de ciment, et il sortait de la poche de sa veste un sandwich. Il en donnait la moitié à Mondo et ils mangeaient ensemble en regardant les reflets du soleil sur la mer.
Mondo s'en allait avant la nuit, pour chercher unecachette où dormir.
« Au revoir ! » disait Mondo.
« Au revoir ! » disait Giordan. Quand Mondo était un peu éloigné, il lui criait :
« Reviens me voir! Je t'apprendrai à lire. Ce n'est pas difficile. »
Il restait à pêcher jusqu'à ce qu'il fasse tout à fait nuit et que le phare commence à envoyer ses signaux réguliers, toutes les quatre secondes.


Questionnaire:
Comment s'appelle le personnage qui est ami de Mondo?
Pourquoi, selon vous, Mondo l'aime-t-il?

Extrait du film (III)

Commentez ce qui se passe dans cette scène.

Extrait du film (II)


Dans l'oeuvre de Le Clézio, on peut lire des passages sur les dangers qui guettent Mondo. Celui-ci n'y apparaît pas. Trouvez-vous que cela est irréel?

jeudi 24 mai 2012

1er chapitre (3/4)

Mondo marchait vite jusqu'à la jetée qui avance au milieu de la mer. Mondo regardait un instant la mer, en serrant les paupières pour ne pas être ébloui par les reflets du soleil. Le ciel était très bleu, sans nuages, et les vagues courtes étincelaient.
Mondo descendait le petit escalier qui conduit aux brisants. Il aimait beaucoup cet endroit. La digue de pierre était très longue, bordée de gros blocs de ciment rectangulaires. Au bout de la digue, il y avait le phare.
Les oiseaux de mer glissaient dans le vent, planaient, tournaient lentement en poussant des gémissements d'enfant. Ils volaient au-dessus de Mondo, ils frôlaient sa tête et l'appelaient. Mondo jetait les miettes de pain le plus haut qu'il pouvait, et les oiseaux de mer les attrapaient au vol.
Mondo aimait marcher ici, sur les brisants. Il sautait d'un bloc à l'autre, en regardant la mer. Il sentait le vent qui appuyait sur sa joue droite, qui tirait ses cheveux de côté. Le soleil était très chaud, malgré le vent. Les vagues cognaient sur la base des blocs de ciment en faisant jaillir les embruns dans la lumière.
De temps en temps, Mondo s'arrêtait pour regarder la côte. Elle était loin déjà, une bande brune semée de petits parallélépipèdes blancs. Au-dessus des maisons, les collines étaient grises et vertes. La fumée des incendies montait par endroits, faisait une tache bizarre dans le ciel. Mais on ne voyait pas de flammes. "II faudra que j'aille voir là-bas", disait Mondo.
Il pensait aux grandes flammes rouges qui dévoraient les buissons et les forêts de chênes-lièges. Il pensait aussi aux camions des sapeurs-pompiers arrêtés dans les chemins, parce qu'il aimait beaucoup les camions rouges.
A l'ouest, il y avait aussi comme un incendie sur la mer, mais c'était seulement le reflet du soleil. Mondo restait immobile et il sentait les petites flammes des reflets qui dansaient sur ses paupières, puis il continuait son chemin, en sautant sur les brise-lames. Mondo connaissait bien tous les blocs de ciment, ils avaient l'air de gros animaux endormis, à moitié dans l'eau, en train de chauffer leurs dos larges au soleil. Ils portaient de drôles de signes gravés sur leurs dos, des taches brunes, rouges, des coquillages incrustés dans le ciment. A la base des brise-lames, là où la mer battait, le goémon vert faisait un tapis, et il y avait des populations de mollusques aux coquilles blanches.
Mondo connaissait surtout un bloc de ciment, presque au bout de la digue. C'était là qu'il allait toujours s'asseoir, et c'était lui qu'il préférait. C'était un bloc un peu incliné, mais pas trop, et son ciment était usé, très doux. Mondo s'installait sur lui, il s'asseyait en tailleur, et il lui parlait un peu, à voix basse, pour lui dire bonjour. Quelquefois il lui racontait même des histoires pour le distraire, parce qu'il devait sûrement s'ennuyer un peu, à rester là tout le temps, sans pouvoir partir. Alors il lui parlait de voyages, de bateaux et de mer, bien sûr, et puis de ces grands cétacés qui dérivent lentement d'un pôle à l'autre. Le brise-lames ne disait rien, ne bougeait pas, mais il aimait bien les histoires que lui racontait Mondo.
C'était sûrement pour ça qu'il était si doux. Mondo restait longtemps assis sur son brise-lames, à regarder les étincelles sur la mer et à écouter le bruit des vagues. Quand le soleil était plus chaud, vers la fin de l'après-midi, il s'allongeait en chien de fusil, la joue contre le ciment tiède, et il dormait un peu.


Questionnaire:
Mondo adore la nature. Justifiez.


mercredi 23 mai 2012

Extrait du film (I)


A ton avis, cet extrait est fidèle au conte de Le Clézio?

1er chapitre (2/4)



A cette époque-là, il n'habitait vraiment nulle part. Il dormait dans des cachettes, du côté de la plage, ou même plus loin, dans les rochers blancs à la sortie de la ville. C'étaient de bonnes cachettes où personne n'aurait pu le trouver. Les policiers et les gens de l'Assistance n'aiment pas que les enfants vivent comme cela, en liberté, mangeant n'importe quoi et dormant n'importe où. Mais Mondo était malin, il savait quand on le cherchait et il ne se montrait pas.
Quand il n'y avait pas de danger, il se promenait toute la journée dans la ville, en regardant ce qui se passait. Il aimait bien se promener sans but, tourner au coin d'une rue, puis d'une autre, prendre un raccourci, s'arrêter un peu dans un jardin, repartir.
Quand il voyait quelqu'un qui lui plaisait, il allait vers lui, et il lui disait tranquillement :
« Bonjour. Est-ce que vous ne voulez pas m'adopter? »
II y avait des gens qui auraient bien voulu, parce que Mondo avait l'air gentil, avec sa tête ronde et ses yeux brillants. Mais c'était difficile. Les gens ne pouvaient pas l'adopter comme cela, tout de suite. Ils commençaient à lui poser des questions, son âge, son nom, son adresse, où étaient ses parents, et Mondo n'aimait pas beaucoup ces questions-là.
Il répondait : « Je ne sais pas, je ne sais pas. » Et il s'en allait en courant.
Mondo avait trouvé beaucoup d'amis, rien qu'en marchant dans les rues. Mais il ne parlait pas à tout le monde. Ce n'étaient pas des amis pour parler, ou pour jouer. C'étaient des amis pour saluer au passage, très vite, avec un clin d'oeil, ou pour faire un signe de la main, au loin, de l'autre côté de la rue. C'étaient des amis aussi pour manger, comme la dame boulangère qui lui donnait tous les jours un morceau de pain. Elle avait un vieux visage rose, très régulier et très lisse comme une statue italienne. Elle était toujours habillée de noir et ses cheveux blancs tressés étaient coiffés en chignon. Elle avait d'ailleurs un nom italien, elle s'appelait Ida, et Mondo aimait bien entrer dans son magasin. Quelquefois il travaillait pour elle, il allait porter du pain chez les commerçants du voisinage.
Quand il revenait, elle coupait une grosse tranche dans un pain rond et elle la lui tendait, enveloppée dans du papier transparent. Mondo ne lui avait jamais demandé de l'adopter, peut-être parce qu'il l'aimait vraiment bien et que ça l'intimidait.
Mondo marchait lentement vers la mer en mangeant le morceau de pain. Il le cassait par petits bouts, pour le faire durer, et il marchait et mangeait sans se presser. Il paraît qu'il vivait surtout de pain, à cette époque-là. Tout de même il gardait quelques miettes pour donner à des amies mouettes.
Il y avait beaucoup de rues, des places, un jardin public, avant de sentir l'odeur de la mer. D'un coup, elle arrivait dans le vent, avec le bruit monotone des vagues.
A l'extrémité du jardin, il y avait un kiosque à journaux. Mondo s'arrêtait et choisissait un illustré. Il hésitait entre plusieurs histoires d'Akim, et finalement il achetait une histoire de Kit Carson. Mondo choisissait Kit Carson à cause du dessin qui le représentait vêtu de sa fameuse veste à lanières. Puis il cherchait un banc pour lire l'illustré. Ce n'était pas facile, parce qu'il fallait que sur le banc il y ait quelqu'un qui puisse lire les paroles de l'histoire de Kit Carson. Juste avant midi, c'était la bonne heure, parce qu'à ce moment-là il y avait toujours plus ou moins des retraités des Postes qui fumaient leur cigarette en s'ennuyant. Quand Mondo en avait trouvé un, il s'asseyait à côté de lui sur le banc, et il regardait les images en écoutant l'histoire.
Un Indien debout les bras croisés devant Kit Carson disait :
« Dix lunes ont passé et mon peuple est à bout. Qu'on déterre la hache des Anciens ! » Kit Carson levait la main.
« N'écoute pas ta colère, Cheval Fou. Bientôt on te rendra justice. »
« C'est trop tard », disait Cheval Fou. « Vois ! » Il montrait les guerriers massés au bas de la colline.
« Mon peuple a trop attendu. La guerre va commencer, et vous mourrez, et toi aussi tu mourras, Kit Carson! »
Les guerriers obéissaient à l'ordre de Cheval Fou, mais Kit Carson les renversait d'un coup de poing et s'échappait sur son cheval. Il se retournait encore et il criait à Cheval Fou :
« Je reviendrai, et on te rendra justice ! »
Quand Mondo avait entendu l'histoire de Kit Carson, il reprenait l'illustré et il remerciait le retraité.
« Au revoir ! » disait le retraité.
« Au revoir ! » disait Mondo.


Questionnaire:
Dans ce passage, Mondo établit contact avec deux personnes. Dites comment et pourquoi.